Contribution des Ecologistes-36 au Plan de Prévention des Déchets Ménagers de l'Indre

Privilégier vraiment la réduction du gaspillage,
plutôt que l’incinération !
Contribution des Ecologistes-36 au PLPDMA-36
( Le projet de Plan Local de Prévention des Déchets Ménagers et Assimilés de l'Indre a été officiellement mis à consultation publique pour un mois le 15 mai 2024 : Projet PLPDMA-36 )
Pourquoi un projet de PLPDMA aussi pauvre ?
Alors que l’élaboration et la mise en œuvre d’un PLPDMA était, depuis 2012, une obligation légale pour toutes les collectivités ou syndicats de communes ayant la compétence de gestion des Ordures Ménagères, seul le Symctom du Blanc s’y était attelé jusqu’ici.
Ce n’est qu’en 2024 qu’une entente des collectivités de l’Indre a décidé de mettre en chantier un PLPDMA départemental. Cela ne vient malheureusement pas d’une envie de rattraper le temps perdu en matière de prévention et de réduction des déchets, mais plus simplement du rappel fait par l’Etat et la Région que, sans avoir élaboré un PLPDMA, les collectivités ne seraient pas autorisées à mettre en œuvre leur grand projet de construire un incinérateur des déchets dans l’Indre.
En réalité, dès le début des années 2020, des études ont été lancées pour justifier ce projet d’incinération apparu aux élu.es, et particulièrement à ceux de Châteauroux, comme la solution miracle devant la croissance continue des coûts de gestion des Déchets Ménagers et Assimilés.
Ce non-dit du projet d’incinération dans le projet de PLPDMA qui nous est soumis explique sans doute pourquoi celui-ci a été élaboré sans véritable implication des élu.es et pourquoi il manque tellement d’ambition : si on pense qu’avec une grande usine d’incinération on va avoir la solution pour tous les déchets ou presque, pourquoi s’embêter à prévenir, réduire, réparer, mieux recycler nos déchets ?
Alors, comme la loi l’impose, pour ne pas dire qu’on ne fait rien, on fera quelques sensibilisations, communications et admonestations aux usagers mais on ne cherchera pas réellement à s’attaquer au cœur du problème : donner les moyens aux usagers de réduire au maximum les « déchets ménagers résiduels », ceux qu’on envoie aujourd’hui en décharge et qu’on veut pouvoir brûler demain, même si cela fait courir des risques de pollution et de croissance encore plus forte des coûts pour les usagers.
Nous allons montrer dans les pages qui suivent que le projet de PLPDMA ne donne pas les moyens de respecter la priorité qui doit être donnée à la prévention-réduction des déchets ménagers, en précisant les objectifs et moyens qui devraient y être inclus pour qu’il puisse remplir son objectif. Nous montrerons aussi que l’incinération des déchets doit être effectivement limitée autant que faire se peut parce que ce n’est pas une très bonne solution, ni sur le plan écologique, ni sur le plan économique.
L'état des lieux
Des éléments essentiels ressortent de « l’état des lieux » établi dans la première partie du projet de PLPDMA :
- Dans l’Indre, plus de 130 000 tonnes de Déchets Ménagers sont collectés par an (chiffres de 2022), soit 575 kg par habitant. Ces données ont encore augmenté depuis 10 ans (+ 3,5 %).
- Cela coûte plus de 28 M€ aux contribuables-usagers, soit 134,80 € par habitant et par an en 2022.
- Des efforts de tri et de recyclage ont été accomplis depuis une trentaine d’années, pourtant, encore près de la moitié des déchets sont enfouis en décharge ou incinérés : 55% seulement des déchets ménagers seraient « valorisés » alors que la loi prévoyait que ce soit 65% au minimum en 2025 et qu’il faudrait plutôt « tendre vers 76% » en 2030, comme le Plan Régional de Prévention des Déchets le prescrit.
La « valorisation organique » des biodéchets a en fait beaucoup diminué depuis la fermeture en 2019 de l’usine de compostage du Sytom de Châteauroux, sans qu’une autre structure de ce type ne l’ait remplacée depuis. Plus de 3 000 tonnes de compost y étaient produits chaque année jusqu’en 2019 et depuis, c’est donc plus de 20 000 tonnes de biodéchets qui ont été mis en décharge à Gournay. [1]
On constate que les ordures « résiduelles » constituent la plus grosse partie de nos ordures ménagères (hors encombrants portés en déchetterie). Elles représentent surtout près des 2/3 de nos déchets enfouis en décharge ou incinérés [2]. Ce sont donc d’abord elles qu’il convient de réduire si l’on veut limiter au maximum la mise en décharge et l’incinération.
La majorité des Ordures Ménagères Résiduelles est pourtant composée de produits qui pourraient être valorisés ou recyclés : biodéchets surtout qui devraient être compostés mais aussi emballages mal triés.
Parmi les autres déchets « résiduels », d’autres évolutions sont aussi envisageables : par ex. la quantité non négligeable de couches non réutilisables qui y figurent incite à une réflexion sur les couches lavables ou compostables….
Le manque d’ambition et de moyens du projet de PLPDMA
Le principal objectif mis en avant par le plan se limite à une baisse de 14% des DMA de 2023 à 2030 pour se mettre en conformité avec la loi. Il est donc prévu de passer de 553 kg par hab. en 2023 à 475 kg en 2030. Les deux autres objectifs quantitatifs complémentaires fixés ne concernent que la performance du tri (et seulement pour les collectes en porte à porte ! [3]) : 22% maximum de refus de tri dans la collecte des emballages et papiers et 15% maximum d’emballages et papiers dans les ordures ménagères résiduelles[4].
En fait, l'absence d'objectif de financements dans le projet de PLPDMA pour le travail de prévention et de réduction des déchets ne permettra sans doute même pas de réaliser les objectifs mis en avant dans le projet de PLPDMA.[5] Mais il manque surtout un objectif fort de réduction des OMR, c’est-à-dire des déchets susceptibles d’aller en décharge ou incinération).
Pour parvenir à réduire fortement ces OMR, le PLPDMA devrait affirmer aussi des objectifs complémentaires :
- de passage à la tarification incitative,
- de diminution forte des biodéchets dans les OMR,
- de réemploi-réparation,
- -de moyens financiers attribués à la « prévention des déchets ».
A quoi, compte tenu du faible taux de réel « recyclage » que l’on constate pour les plastiques triés par les habitants, il faudrait aussi ajouter un objectif fort de réduction globale des plastiques dans les déchets.
Nous montrerons dans les pages qui suivent
- Que pourtant des solutions existent pour réduire sérieusement la quantité des déchets ménagers à enfouir ou à incinérer
- Que l’incinération n’est pas une très bonne solution, ni écologique ni économique !
La priorité n° 1 : Réduire les déchets pour éviter le gaspillage !
Quelles doivent être les priorités de la gestion des déchets par les collectivités locales ?
La hiérarchie des modes de traitement des déchets est un ordre de priorité défini dans la Loi (TEPCV) dès 2015. Pour éviter le gaspillage de matières premières et d’énergie, la première priorité est d’éviter ou de réduire la production des déchets : il s’agit des démarches de « prévention » des déchets [6] .
Ce n’est qu’ensuite que se pose la question du « recyclage ».
L’incinération et la mise en décharge, quant à elles, ne devraient donc concerner que les déchets « résiduels » qu’on n’a pu éviter, réparer ou encore recycler.
Les collectivités locales doivent donc placer au cœur de leur projet, la prévention et non l’incinération, même avec « valorisation énergétique ». Seule la prévention, la réparation et le réemploi peuvent répondre aux enjeux environnementaux d’économie des ressources et d’énergie, indispensables pour lutter contre le changement climatique et le gaspillage de nos ressources naturelles.
La « tarification incitative » absente du projet de plan d’action du PLPDMA
Actuellement, dans l’Indre, la majorité des collectivités prélèvent une Taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM, calculée sur le foncier), les autres une Redevance d’enlèvement des ordures ménagères (REOM, calculée sur la taille du foyer).
La « tarification incitative » consisterait à facturer le service aux usagers, au moins en partie, en fonction de la quantité de déchets résiduels qu’ils produisent, les incitant ainsi à réduire les déchets et à mieux les trier afin de favoriser leur recyclage. [7]
Selon l’ADEME, la mise en place de la Taxation Incitative a permis, dans les collectivités qui l’ont adoptée, de réduire en moyenne de 41 % la quantité d’ordures ménagères résiduelles et d’augmenter de 30 % la collecte des emballages et papiers.
Dans l’Indre, seul le SYMCTOM du Blanc a travaillé à la développer pour 2025-2026. Voici pourtant le tableau des bénéfices attendus qui figurait dans une des études réalisées en 2020 avec le financement des syndicats d’Ordures Ménagères de l’Indre :
Cette étude de 2020 indiquait aussi qu’il était possible dans l’Indre, en 5 ans, de diminuer de plus de 4 000 tonnes les Ordures Ménagères Résiduelles en remplaçant TEOM ou REOM traditionnelles par une Taxation Incitative. Pourtant, depuis, rien ne fut n’a été engagé et il n’en est fait mention dans le projet de PLPDMA que dans la description des initiatives « ailleurs en région Centre », mais nullement dans le plan d’action pour l’Indre !
A propos des « pratiques de consommation durable »
Parmi la dizaine de propositions « d’actions » du projet de PLPDMA figure « la communication sur les pratiques de consommation durable ». Il s’agit essentiellement de faire passer des « messages » au « grand public » pour « informer » les usagers « des solutions pour réduire les emballages, le gaspillage alimentaire ou les produits jetables ». Cela peut, certes, être utile.
Mais les usagers ont un peu trop l’impression que les pouvoirs publics sont toujours portés à leur « faire la leçon » plutôt qu’à les aider, réellement, à réduire les déchets.
Beaucoup de leviers ne dépendent certes pas des seules collectivités locales mais plutôt de réglementations nationales trop laxistes et de l’irresponsabilité de grandes entreprises qui multiplient, par exemple, les emballages en partie non recyclables, accélèrent l’obsolescence des produits pour obliger à les remplacer trop souvent ou encore ne facilitent pas leur réparabilité.
Cependant, localement, les collectivités disposent aussi de quelques leviers en faveur d’une « consommation durable » :
- Elles peuvent, par exemple, réduire la publicité commerciale, dans les rues et sur les routes, qui pousse systématiquement à la surconsommation. On pourrait prendre exemple sur la ville de Grenoble qui a réduit de 90 %, en deux mandats, les grands panneaux de publicité commerciale dans l’espace urbain.
- Elles peuvent aussi éviter de faciliter l’implantation d’entrepôts logistiques qui profitent à des pratiques commerciales de grandes entreprises comme Amazon, amenant à multiplier les emballages … et les kms parcourus par les marchandises.
Notons aussi qu’on ne trouve pas dans le projet de PLPDMA de bilan chiffré des expériences de lutte contre le gaspillage alimentaire dans la restauration collective. Le Plan National de Prévention des Déchets avait pourtant prévu de réduire le gaspillage alimentaire, dans la distribution alimentaire et la restauration collective, de 50 % d’ici 2025, par rapport à 2015 [8] . Où en est-on dans les établissements scolaires, les EPHAD et autres restaurants d’entreprise de l’Indre ? Le PLDDMA devrait réaffirmer cet objectif chiffré et définir les moyens d’y parvenir.
Pour éviter le gaspillage, la deuxième priorité, c’est le réemploi et la réparation
Le PNPD prévoit aussi d’augmenter le réemploi et la réutilisation pour atteindre une quantité équivalente à 5 % du tonnage des déchets ménagers en 2030 [9]. Il nous paraît nécessaire de rappeler a minima cet objectif dans le PLDPMA de l’Indre, comme un des moyens concrets de parvenir à la réduction envisagée des déchets.
Les activités de réparation, de contrôle, de nettoyage ou de récupération de ces produits avant remise en circulation, sont souvent intégrées à la notion de réemploi ou peuvent être comprises dans le terme de préparation au réemploi.
Le réemploi a pour effet principal d’allonger la durée de vie des objets et a donc des retombées environnementales, à la fois à travers la réduction du volume de déchets incinérés ou mis en décharge, mais aussi et surtout à travers la réduction de la consommation de matières premières pour fabriquer des produits neufs [10].
En France, depuis le décret n° 2021-254 du 9 mars 2021 issu de la loi anti-gaspillage (AGEC), il est devenu obligatoire pour les commandes publiques des collectivités territoriales et des groupements de collectivités de comprendre une part de biens issus du réemploi, de la réutilisation ou intégrant des matières recyclées. Le décret prévoit par exemple, que les achats de téléphones, de meubles ou d’ordinateurs, doivent pour 20% provenir du réemploi et pour 20%, de filières de recyclage. Là encore, les préconisations de ce décret, qui devraient être considérées comme des minima pour les collectivités, devraient figurer dans le PLPDMA.[11]
Le Plan National de Prévention des Déchets prévoit aussi que les déchetteries soient tenues de prévoir une zone de dépôt destinée aux produits pouvant être réemployés[12]. A notre connaissance, de telles installations n’existent guère dans l’Indre. Développer les zones de réemploi, par exemple à proximité des déchetteries, permet d’éviter que les objets déposés n’acquièrent le statut de déchets. Ils peuvent ainsi être récupérés directement par des particuliers, et pas uniquement par des associations agréées en partenariat avec la collectivité en charge de la collecte.
Un exemple : le « supermarché inversé » ? Le SMICVAL market, à Vayres en Gironde, est un exemple d’incitation au réemploi. Dans des locaux modernes, financés par le syndicat chargé de la collecte, et avec des agents formés pour guider les usagers, le « SMICVAL market » est un “supermarché inversé”, porté et géré par le syndicat chargé de la collecte des déchets. Les habitants peuvent y amener des objets et des matériaux et en récupérer gratuitement, dans un « préau des matériaux » et une « maison des objets », ressemblant davantage à un magasin qu’à une déchèterie. Lancé en 2017, ce système d’échange gratuit d’objets et de matériaux a connu un vif succès puisqu’en moyenne, ce sont 1 000 tonnes de produits par an qui y sont déposés puis récupérés directement.[13]
Dans l’Indre, pour le réemploi et la réparation, il existe de nombreuses initiatives privées, associatives en général : par exemple, la ressourcerie « La Bascule » à Argenton, l’atelier de réparation associatif Réparlab au Blanc, l’atelier de réparation de vélos de Chateau’Roule, sans oublier Emmaüs à Déols et Châteauroux[14]. Toutes démontrent la force des initiatives citoyennes et de l’économie solidaire. Mais il serait nécessaire que les collectivités s’engagent elles aussi dans le PLPDMA : l’objectif de développement d’un réseau de ressourcerie apparaît indispensable, à commencer par l’agglomération de Châteauroux.
D’autres pistes de réemploi pourraient aussi être travaillées, par exemple, une filière de consignes des bouteilles et autres bocaux en verre.[15]
Pour encourager le développement de ces filières de réemploi sur les territoires, l’ADEME propose des aides[16], auxquelles peuvent prétendre les collectivités territoriales, qui permettent de financer jusqu’à 70% des études de faisabilité de projets d’installation de collecte, de remise en état ou de réparation d’objets ou de matériaux (création de recycleries, de ressourceries, développement d’ateliers de réparation, etc).
Biodéchets : ne pas faire reposer toute la responsabilité sur les usagers !
Aujourd’hui, les déchets organiques représentent environ un tiers des ordures « résiduelles » mises en décharge, particulièrement depuis l’arrêt de l’usine de compostage de Châteauroux (en 2019), qui n’a pas été remplacée depuis. La 1° phase de l’étude conduite en 2020 affirmait même que plus de 50% des ordures ménagères résiduelles de Châteauroux, partant en décharge, étaient en fait des « putrescibles ».
Pourtant, les biodéchets peuvent être transformés assez facilement en compost, fertilisant naturel renouvelable, riche en nutriments, très utile pour le jardinage, la production maraîchère, les grandes cultures, en permettant d’éviter les pollutions liées à l’utilisation d’intrants chimiques.
Le PLPDMA devrait donc se fixer un objectif de réduction drastique de la part des biodéchets dans les ordures résiduelles et prévoir les moyens d’y parvenir.
- Fixer des seuils quantitatifs en poids de biodéchets restants dans la poubelle d’OMR, avec une baisse progressive dans le temps. Alors qu’on estimait encore à 70kg par hab et par an, la quantité de biodéchets dans les OMR, Zero Waste France et Zero Waste Europe recommandent les objectifs de 25 kg / habitant / an en 2030, puis 15 kg en 2035..
- Fixer un objectif de diminution de 75% par rapport à la quantité de biodéchets présents dans les poubelles avant la mise en place du tri à la source, comme le recommande Zero Waste France.[17]
Rien de tel dans le projet de PLPDMA de l’Indre .
En fait, les orientations prises depuis 2024 montrent, en particulier dans l’agglomération Castelroussine, que ce n’est pas un objectif vraiment pris très au sérieux. Au plus tard au 1er janvier 2024, conformément à la loi anti-gaspillage datant de 2020, le tri des biodéchets devait en effet être généralisé et concerner tous les particuliers. La solution d’une collecte séparée des biodéchets n’a dans la plupart des cas pas été retenue. La Communauté de Communes Écueillé – Valencay est la seule à avoir mis en place une collecte des biodéchets.[18]
La solution retenue a été, dans l’immense majorité des cas, de tout faire reposer sur la responsabilité des usagers en leur demandant de réaliser eux-mêmes le compostage de leurs biodéchets. Des composteurs individuels ont été proposés aux familles disposant de jardins suffisamment conséquents (plus de 50 m2 dans l’agglomération castelroussine). Par contre, pour celles et ceux vivant dans des maisons de ville, ne disposant pas de tels jardins ou habitant dans des immeubles, il leur est proposé dans l’agglomération de Châteauroux, d’animer ou de participer à un compostage partagé de proximité.
Les composteurs individuels surtout, et parfois aussi les composteurs collectifs de proximité, peuvent être évidemment de très bonnes solutions lorsqu’ils rencontrent l’adhésion persistante des usagers volontaires. Mais d’abord, cela ne doit pas être fait au rabais par les collectivités avec pour seul objectif de diminuer « les charges de personnel » : sans une animation conséquente, et sans cesse relancée, par des agents spécialisés, la pratique du compostage risque de ne concerner qu’une minorité de ménages. C’est vrai du compostage individuel : on connaît tous des composteurs fournis historiquement par les collectivités qui, abandonnés dans un coin de jardin, ne servent plus depuis longtemps. L’animation et le soutien est encore plus nécessaire pour le compostage collectif de proximité. La ville de Châteauroux a cru, elle, pouvoir compter sur des « référents » bénévoles à qui elle proposait de fournir une formation initiale et qui auraient ensuite eu la responsabilité du bon fonctionnement du composteur de leur quartier. En réalité, elle n’a trouvé que très peu de personnes pour assumer cette responsabilité 365 jours sur 365… Et dans les endroits où le compostage de proximité n’est pas lié à une activité de jardinage collectif (comme par exemple, dans le quartier Beaulieu à Châteauroux) ou à des animateurs ultra-motivés, le moins que l’on puisse dire, c’est que l’expérience n’est guère satisfaisante.
Dans l’ensemble de l’agglomération de Châteauroux, il n’a été distribué en 2023 que 5 055 composteurs pour environ 35 000 foyers. Même s’il était prévu de continuer à en distribuer en 2024, on est encore très loin d’avoir équipé ne serait-ce que la moitié des ménages. C’est particulièrement vrai pour la ville de Châteauroux où 658 composteurs seulement ont été distribués en 2023 et où il semble que la distribution en 2024 ait été un véritable « fiasco ».
Il faudrait donc tirer la leçon de ces dysfonctionnements majeurs et proposer, au moins en ville, mais peut-être pas seulement, une collecte séparée des biodéchets pour toutes celles et ceux pour qui la solution du compostage individuel ou « de proximité » s’avère difficile. Cela devrait aussi être un objectif majeur du PLPDMA pour sortir le maximum possible de biodéchets des ordures résiduelles à enfouir ou incinérer.
Notons pour finir qu’une belle occasion a été ratée sur la ville de Châteauroux quand des conteneurs enterrés ont été installés, en particulier dans les quartiers de grands immeubles (St-Jean-St-Jacques, Beaulieu, …) : il aurait été facile d’ajouter un conteneur pour les biodéchets à ceux prévus pour le verre, les emballages et les ordures résiduelles. Cela n’a malheureusement pas été fait. Mais comme il semble que la ville ait le projet de développer ce mode de collecte en conteneurs enterrés, nous préconisons qu’on revienne sur cet « oubli ».[19]
Le « recyclage du plastique » : le grand enfumage !
« En France, selon les chiffres de l’ADEME, moins d’un tiers des déchets plastiques est collecté, et seulement 14 % d’entre eux sont effectivement recyclés. En 2018, le gouvernement s’était fixé pour objectif “100 % de recyclage des emballages plastiques en 2025”. … On est loin du compte.[20]
« En France, sur les 6,45 millions de tonnes de plastiques consommées en2020, 3,76 millions de tonnes seraient devenues des déchets. 929 000 tonnes ont été préparées pour le recyclage (soit 24,7 % des déchets), 690 000 tonnes ont été recyclées au niveau national (soit 18,3 % des déchets) pour obtenir 440 000 tonnes de matières premières recyclées (soit 11,7 % des déchets) ».[21] Et pour finir, le « recyclage » se fait principalement « en boucle ouverte » et non « fermée », les propriétés du déchet « recyclé » ayant été dégradées pendant le processus de « recyclage ». La matière récupérée est utilisée pour une destination différente, qui nécessite un plastique de moindre qualité : c’est le cas par exemple du « recyclage » d’une bouteille PET pour des applications textiles.
D’un autre côté, on sait que l’on trouve de plus en plus de plastiques et surtout de micro-plastiques[22] partout dans notre environnement avec de graves conséquences sanitaires et pour la faune et la flore. Face à cette situation alarmante, il est indispensable que l’ensemble des acteurs politiques et économiques prennent des mesures pour freiner la production et la consommation de plastique. Un changement de paradigme global devrait s’imposer pour réduire véritablement cette pollution.
Certes, les responsabilités sont, là encore, d’abord à l’échelle nationale et européenne. Mais il faut aussi veiller localement à ne pas entretenir dans l’opinion l’enfumage du « recyclage » des plastiques, organisé par les lobbies de ces filières : ne pas prétendre par exemple, dans la communication des collectivités, que tous les plastiques récupérés par la collecte pourraient être « recyclés ».
Il faut bien sûr malgré tout, en attendant un « changement de paradigme », continuer à demander aux usagers de mettre les déchets plastiques dans la poubelle jaune plutôt que dans le sac noir des ordures résiduelles -surtout si demain, celles-ci devaient être incinérées - mais sans semer des illusions sur le « recyclage ».
Les collectivités locales disposent aussi de certains leviers pour réduire les plastiques à usage unique, tels que la commande publique, le soutien aux systèmes de consigne et la sensibilisation. Pour fixer des objectifs concrets dans le PLPDMA de l’Indre, on peut s’inspirer du travail engagé dans le cadre du programme « Zero Waste Cities » qui a accompagné[a1] une trentaine de collectivités européennes (dont les métropoles de Lyon et de Nantes et la ville de Bordeaux) dans l’élaboration de « plans zéro plastique à usage unique », visant à réduire leur usage et leurs impacts associés. [23]
Le non-dit du PLPDMA : la priorité donnée à l’incinération des déchets ménagers
Lorsqu’en 2019, le SYTOM de Châteauroux a arrêté l’usine de compostage des « déchets humides », ses responsables prétendaient avoir opté « pour la méthanisation »[24]. En réalité, ils s’étaient engagés dans la reconstruction d’une usine de « tri mécano-biologique » pour des déchets non triés. Nous avions à l’époque dénoncé ce projet[25] et le SYTOM de Châteauroux avait dû abandonner cette solution qui ne correspondait plus aux normes en vigueur, en particulier la nécessité de séparer les biodéchets
. Ces élus se sont alors tournés vers une autre « solution miracle », celle de l’incinération des déchets, sans doute très utilement conseillés pour ce faire par certaines multinationales du secteur pour qui l’incinération représente un véritable fromage. Ils ont ensuite progressivement réussi à entraîner dans ce méga-projet, les autres groupements de commune de l’Indre en charge du traitement des déchets ménagers et semble-t-il, quelques autres collectivités du Cher et de la Creuse.
Dès juillet 2022, dans le secret d’une réunion en mairie de Châteauroux, le projet de construction d’une usine d’incinération était adopté. Ce projet n’a été rendu public que par la dénonciation des Ecologistes-36, lors d’un « café-écolo » en décembre 2023[26]. Le projet était alors de construire un incinérateur départemental de 55 000T, justifié par une prévision de 34 300 T d’Ordures Ménagères Résiduelles en 2030, à quoi s’ajoutait la prévision de 9 000T de « refus de tri » et d’encombrants (en fait, des déchets triés par les usagers mais qui n’ont pu être recyclés).
Depuis, la Région et l’Etat n’ont autorisé de brûler en principe que 40 000 T de Déchets Ménagers de l’Indre, ce qui correspond à une baisse de 27% par rapport au chiffre imaginé en 2022, mais pour parvenir à justifier leur projet de grand incinérateur dans l’Indre, les élus castelroussins y ont ajouté également 20 000T de déchets ménagers d’un autre département (le Cher) et 20 000T de déchets « d’activités économiques » (ceux en fait, dont les collectivités locales n’ont pas la responsabilité[27]), au point qu’il est maintenant question d’un incinérateur de 80 000T qui serait implanté à proximité de Châteauroux ! Remarquons pour finir, que le mot incinération n’est jamais employé : dans la langue technocratique, on ne parle pas d’«usine d’incinération des déchets ménagers » mais d’« unité de valorisation énergétique » comme si le premier objectif poursuivi par l’incinération était de produire de l’énergie. Il n’en est bien sûr rien et c’est pourquoi ce type d’énergie est appelée « énergie de récupération ». Lorsque le choix de l’incinération a été fait en 2022, il ne s’agissait d’ailleurs que de produire de l’électricité. Depuis, le projet a été raccroché à celui d’un réseau de chaleur à Châteauroux.
L’incinération des Déchets Ménagers n’est pas la solution miracle pour se « débarrasser » des déchets ménagers
Si enfouir en décharge des déchets ménagers n’est pas une solution très satisfaisante, les brûler n’est pas non plus une très bonne solution écologique.
Lorsqu’on incinère des déchets, surtout insuffisamment triés, on brûle en particulier de l’eau (75% du poids des biodéchets) avec des plastiques (issus en fait du pétrole, les déchets plastiques sont très appréciés des gestionnaires d’usine d’incinération du fait de leur haut pouvoir calorifique).
A l’évidence, brûler des biodéchets est aberrant et ne produit guère d’énergie.
Par contre, brûler du plastique produit au moins autant de gaz à effet de serre que de brûler des hydrocarbures. « Le niveau de CO2 produit en brûlant une tonne de déchets dépend totalement de ce qui est brûlé. Or, on sait que la plus grande partie des déchets incinérés dans les incinérateurs municipaux sont faits de plastique (qui provient des sources fossiles). On estime que 580g de CO2 par tonne de déchets incinérés sont produits. »[28] .
Dans un rapport publié en septembre 2019, l’ONG Zéro-Waste-Europe allait jusqu’à conclure : « Il serait totalement irresponsable, du point de vue de l’environnement, de continuer à promouvoir la production d’énergie via l’incinération de déchets .... Encore pire : la combustion d’énergies fossiles produit moins de CO2 que la valorisation des déchets.»[29]
On comprend pourquoi les énergies issues d’incinération de déchets ne peuvent être considérées sérieusement comme des « énergies renouvelables ». Sous le poids des lobbies, le législateur les a cependant inscrites dans une sorte de catégorie intermédiaire, celle des « énergies de récupération »[30] qui sont ensuite trop souvent confondues avec les énergies renouvelables alors même qu’elles sont produites en grande partie par le brûlage de dérivés du pétrole !
Par ailleurs, le fait d’incinérer les déchets ne supprime pas, comme par miracle, les polluants qui y sont contenus. Cela les concentre plutôt, en particulier dans les REFIOM (les résidus d'épuration des fumées d'incinération des ordures ménagères). Pour une tonne de « déchets non dangereux » incinérée, ce sont environ 30 kg de REFIOM qui doivent être enfouis en « centre de stockage pour déchets dangereux » (décharges de classe 1).[31] Surtout, quels qu’aient pu être les progrès réalisés en matière de filtration des fumées, on ne peut que déplorer encore des pollutions de l’air, par les dioxines[32] en particulier : d’après la Commission Européenne, les incinérateurs seraient responsables de 19 % des émissions de dioxines dans l’air en 2015[33]. Une étude de biosurveillance avait par exemple révélé en février 2022, des niveaux élevés de dioxines autour de l’incinérateur d’Ivry-Paris XIII, particulièrement dans des œufs de poules élevés en plein air sur Ivry et deux communes voisines[34].
Une autre étude plus récente a été réalisée autour du même incinérateur, dans des échantillons de mousses, plus particulièrement dans des cours d’écoles primaires. Tous les prélèvements de mousses montrent des concentrations de dioxines supérieures aux valeurs limites européennes pour la sécurité alimentaire – avec dans deux écoles, des mesures parfois dix fois plus importantes que la limite maximale recommandée par l’Union Européenne. On a aussi constaté une pollution massive aux métaux lourds dans les prélèvements, avec dans quatre écoles, des taux supérieurs à 100 fois les seuils maximaux recommandés concernant l’aluminium, le cobalt, le plomb et l’étain[35].
Parmi la longue liste des polluants chimiques susceptibles d’être diffusés par les incinérateurs, on peut encore citer les PFAS ou « polluants éternels » dont on n’a découvert que trop récemment l’omniprésence dans les produits manufacturés. Dans un rapport que « Le Monde » a rendu public en avril 2023, l’inspection générale de l’environnement et du développement durable soulignait d’importantes lacunes dans la surveillance de ces substances toxiques. Le rapport signale entre autres, le cas des incinérateurs de déchets : non seulement, le traitement des PFAS dans les fumées n’est pas pris en compte … , mais « de nombreux incinérateurs d’ordures ménagères pourraient constituer une source de contamination par voie atmosphérique », faute d’atteindre la température nécessaire à leur élimination, estimée à plus de 900 °C.[36] Depuis, en octobre 2024, l’Etat a lancé une analyse des PFAS dans les émissions atmosphériques d’incinération des déchets, mais outre que l’analyse doive s’étaler jusqu’en 2027, il semble d’ores et déjà que la méthodologie retenue soit critiquable[37]
Risques de dioxine, métaux lourds, PFAS,… dans les œufs de poule, les potagers, l’air, … : on comprend que le silence soit conservé le plus longtemps possible par les élus de « Châteauroux Métropole » sur la localité qui aura « la chance » d’accueillir la future usine d’incinération !
L’incinération ne sera pas non plus insensible économiquement pour les usagers
Pour construire une usine d’incinération de 55 000 tonnes, il était prévu en 2022, un investissement de 76 Millions d’Euros. Maintenant que le projet est passé à 80 000 T, on doit donc s’attendre, y compris en tenant compte de l’inflation, à un coût d’investissement de plus de 100 M€ !
Pour y faire face, les élus s’engageront certainement dans un nouveau « partenariat public-privé », confiant à une des majors du secteur (Suez, Véolia,…), le soin de construire puis de gérer cette installation. Ces multinationales profitent de la situation pour obtenir souvent des « délégations de service public » portant sur une trentaine d’années pendant lesquelles elles auront la garantie de profiter de nos déchets pour enrichir leurs actionnaires.
L’investissement consenti pour un tel équipement et son coût de fonctionnement ne manqueront pas d’avoir un impact sur les taxes ou redevances payées par les usagers et cela, malgré les recettes tirées de la vente de chaleur ( uniquement pendant les mois où le chauffage fonctionne) et d’électricité (mais avec une grosse déperdition d’énergie en transformant de la chaleur en électricité). Pour l’instant, aucune information n’est disponible pour les usagers-contribuables !
Une étude initiée par l’ADEME en décembre 2010, auprès de 1 172 collectivités envoyant tout ou partie de leurs déchets en incinération, concluait à un coût moyen de plus de 80 € ht par Tonne incinérée, avec pour les installations avec « valorisation énergétique », un moindre coût de seulement environ 10 €[38]. On est donc relativement surpris que l’étude qui a conduit en 2022 au choix de l’incinération n’ait évoqué qu’un coût annuel de 5,650 M€ ( en retranchant la vente d’électricité) pour 55 000 tonnes soit « seulement » 47 €/T. Gageons que ce sera bien au-dessus dans l’Indre en 2030.
« La valorisation énergétique sous forme de chaleur et/ou d’électricité est de plus utilisée aujourd’hui comme un argument d’autorité pour justifier cette filière qui n’a rien de circulaire, alors même que la prévention, le recyclage et le compostage permettent d’économiser au final bien plus d’énergie que ce que l’incinération peut en produire de façon instantanée. » [39]
Pour finir, la mise en fonctionnement d’un incinérateur pour les déchets ménagers se révèle en général comme un obstacle à la prévention-réduction des déchets, qui devrait en fait, être poursuivie bien au-delà de 2030. Les incinérateurs sont en effet des « aspirateur à déchets ». Pour pouvoir amortir le très lourd investissement dans un tel équipement, il doit fonctionner au plus près de sa capacité technique autorisée (les recettes sont principalement issues du prix payé pour le traitement de chaque tonne) et « ces considérations technico-économiques amènent régulièrement des collectivités à remiser des politiques de prévention / recyclage qui concurrenceraient trop l’exploitation de l’usine d’incinération locale »[40].